Il est des spectacles si vivants qu’on louerait bien à l’année une place avec vue. On y vivrait radieux, ravis que nous serions de profiter plein nord d’un jeu d’acteurs fins, élégants et avenants. Rien de plus aimable qu’un échange de tirades au ton juste, parce qu’on se sent à la maison, qu’on ne sait plus exactement qui a invité l’autre et que c’est amusant.
C’est à ce moment-là qu’on révise ses formules d’accueil Mais après vous, mais je n’en ferai rien. On garde une place au chaud à côté de soi comme on réserve un couvert pour le pauvre. On ne sait jamais, si un ami s’invitait à rire aux éclats. Puis on se plaît à envisager les choses autrement : on nous a peut-être conviés, voyez-vous, on est certainement de belles et charmantes personnes parce qu’on a le droit de s’esclaffer sans retenue, de faire claquer ses paumes sur les genoux, de rire jusqu’à en pleurer, et c’est bon ces larmes de joie sous les exclamations d’artistes généreux. Ça déclame, ça emballe, on répond à la farce parce que la farce est belle et qu’elle a du talent.
On inverserait bien les rôles, les grands derrière et les petits devants, pauvres que nous sommes de ne savoir un texte de Guitry par cœur ; laissez-nous donc la scène du Rive Gauche, qu’on récite devant les comédiens bien calés dans les fauteuils rouges nos vers les plus pertinents, ceux de notre enfance, ceux qui nous valaient des A sur nos carnets de notes, et "La chanson de Prévert", poétique et bien amenée rendait quelques lettres de noblesse à nos cahiers d’école.
« Une folie » est un acte à lui seul, celui du don et des mots sûrs de soi. On se ravise : on n’aurait pas fait mieux. On préfère, et de loin, cette caresse pour les yeux, ces tons de sociétaires, ces accents, les retenues, l’abondance, la patate chaude refilée à l’autre, la réplique comique, la répartie de mise, le texte bien ficelé. On sait gré à Olivier Lejeune d’avoir su favoriser sa troupe. On a le sentiment qu’il s’est laissé porter par un élan de bonté. Il aura donc distribué de bonnes notes aux acteurs avant même le début de la pièce. On comprend mieux pourquoi chacun d’eux nous épate et offre de l’amour sans compter.
Si on a raté la dernière, celle du 31 août, dame, on peut poser son mouchoir dessus! En revanche, on pourra se procurer le DVD et c’est heureux. On y rira, on se dira Bon sang comme c’est bon l’émotion des artistes. On sortira un mouchoir pour de rire, pour pouffer dedans. On remerciera Manuel Gélin, Lola Dewaere et toute la troupe parce qu’ils feront le siège dans nos salons, à jouer pour de vrai des folies comme un seul homme.
Merci pour tout.
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